TAILLER DES CROUPIèRES
Marcel JB Tardif, MBA
CEO - PerformInfo Inc. Auteur, Conférencier, Coach de dirigeants 26 519 abonnés + 3 900 post 560 articles
DU RéSULTAT OU DES CAUSES DU RéSULTAT ?
W. Edwards Deming, sans doute l'un des plus grands penseurs du management du XXe siècle, estimait que ? la gestion par résultats n'était pas le meilleur moyen d'obtenir de bons résultats ? (1). Il prescrivait, en lieu et place d'une gestion du résultat, une gestion des causes de résultat dans l'organisation. En somme, une substitution de la gestion mécaniste (systèmes) par la gestion organique (comportements) dans l’organisation productive.
LE VRAI RéSULTAT N’EST PAS DE QUANTITé MAIS DE QUALITé
De fait, nombre de chercheurs ont établi, que le personnel, dans l'organisation qui se gère par résultats, tendait à produire des chiffres plut?t que du rendement compris en termes d'amélioration de la qualité des modes, méthodes et pratiques de production. La cible, soit le résultat fixé comme objectif en début d'exercice, devient non plus le moyen mais la fin de la tache. Ce qui tend à pervertir l'idée de rendement sur la capacité de l'organisation à développer de meilleurs biens et services. Or, le vrai résultat ne devrait pas être de quantité mais de qualité. Et l'organisation devrait être axée sur l'amélioration de sa gestion (fin), plut?t que sur l'augmentation de son profit ou la réduction de ses charges d'exploitation (moyens).
MISER SUR UN RéSULTAT FINANCIER OU SUR UN PALIER DE QUALITé ?
La gestion par résultats, comme il est advenu à tant d'autres préceptes de management mis de l'avant au cours des dernières décennies, est devenue une idée passe-partout bien plus qu'un viatique à la révision des modes, méthodes et pratiques de fonctionnement des organisations productives. On mise sur des niveaux de résultat financier (moyens), bien plus que sur des paliers de qualité dans la réponse à la demande exprimée (fin). Il n'y a pas tant d'évolution du rendement sur les ressources requises à la livraison des biens et services attendus par les demandeurs, que de retour apprécié sur l'investissement pour les détenteurs du capital versé dans l'organisation. Encore que, les plus éminentes retombées d'investissement tendent à revenir aux hauts dirigeants, lesquels, à travers une comptabilité complexe de détournement de l'avoir des actionnaires, font main basse sur la propriété de l'organisation (2).
LES ORGANISATIONS TENDENT à DEVENIR PLUS POUSSIVES
On ne gère plus en vue d'un résultat décompté en termes de la satisfaction marché-client (fin), mais en fonction d'un résultat d’intéressement escompté par le marché-financier (moyens). Les organisations tendent à devenir plus poussives en termes d'actifs que d'activités (3), et moins contributrices en termes d'innovation que de dividende. Les biens et services qu’elles offrent sont un moyen d’enrichissement pour l’actionnaire (moyens), plus que de satisfaction pour le consommateur (fin). On force dans le marché une offre plus ou moins appropriée, dans le but de tirer du profit plus vite et plus substantiel. Et si d'aventure les choses tournent mal, on procède à fusion et acquisition, voire on fait appel au gouvernement pour infuser l'argent nécessaire... ? au maintien allégué de l'emploi (4)?. Comme si l'intervention publique, récusée de tout autre temps, devenait la seule planche de salut de l'organisation prétendument concurrentielle en temps économique moins difficile.
S’EN METTRE PLEIN LE GOINFRE !!!
La gestion par résultats, comprise comme planche-à-billets pour les P.D.G. et consorts, n'a de résultat probant qu'à raison des rémunérations démentielles (5) que ceux-ci se réservent comme signe de compensation à leur performance à la tache (6). Une tache qui consiste désormais à s'en mettre plein le goinfre (7) !
TAILLER DES CROUPIèRES
Les nombreuses exactions des chefs de la direction (8), par les temps qui courent, risquent de tailler des croupières (9) au personnel associé aux organisations qu’ils dirigent (ou devrions-nous dire qu’ils digèrent ?). Il y a de quoi prendre feu et flammes (10), pour ceux et celles qui souffrent, malgré leur comportement personnel parfaitement responsable, des faits et gestes hautement répréhensibles de dirigeants sans grande conscience pour les conséquences de leurs actes délictueux (11). Au lieu d’inviter au ralliement d’un chacun dans l’organisation, ces manières de faire convient le personnel à faire chevau-légers (12). Comme disait Malherbe, des ? pouètes ?(13) tenants salons à l’époque, celui-là même qui a joué un r?le considérable dans l’évolution de la littérature fran?aise jusqu’à sa mort (1628) : ? leur potage est meilleur que leur poésie (14) ?. Pastichant celui-ci, on dira, aujourd'hui, des ? dirigeables ? (15) d’organisation : ? leur pillage est meilleur que leur performance (16)?.
--------------------------------------
RéFéRENCES:
(1) Deming, W.E., (2000), The New Economics, MIT Press, p. 31-33.
(2) On en voudra pour preuve la pratique du rachat du titre, en même temps qu’il y a attribution d’actions et de stock-options aux dirigeants… lesquels décident, le plus souvent seuls, des deux à la fois. Ce qui tendrait à constituer, entre leurs mains, la plus grande fraude corporative qui soit. https://www.economist.com/news/business/21616968-companies-have-been-gobbling-up-their-own-shares-exceptional-rate-there-are-good-reasons ; https://www.nytimes.com/2015/06/07/business/stock-buybacks-that-hurt-shareholders.html?_r=0
(3) https://www.cbsnews.com/news/why-companies-become-too-big-to-succeed/
(4) https://travail-emploi.gouv.fr/emploi/maintenir-dans-l-emploi/article/les-accords-de-maintien-de-l-emploi
(5) https://www.aflcio.org/Corporate-Watch/Paywatch-2014
(6) https://online.wsj.com/public/resources/documents/CEOperformance122509.pdf
(7) https://www.businessnewsdaily.com/6275-ceo-compensation-formula.html
(8) https://www.marketwatch.com/story/fraud-failure-and-bankruptcy-pay-well-for-ceos-2013-08-28
(9) Mettre dans l’embarras. Susciter des difficultés. Faire obstacle aux projets se quelqu’un. Dans le cas du personnel, les collusions et les corruptions imputables aux dirigeants des organisations dans lesquelles ce premier ?uvre cause à l’évidence, par association de travail, des problèmes de cheminement de carrière sérieux. Qui ne pensera pas amalgamer le personnel en question aux dirigeants d’organisations reconnues comme foncièrement délinquantes en matière d’éthique d’affaires ?
(10) être irrités, en colère.
(11) https://www.fbi.gov/stats-services/publications/financial-crimes-report-2010-2011
(12) Faire cavaliers seuls.
(13) Non, il n’y a pas de faute de frappe ! Adaptation de l’onomatopée évoquant un bruit de… trompe. Comme un son de... cloche !
(14) Carmona, M., (1981), Marie de Médicis, Fayard, p. 202.
(15) Pas davantage d’erreur d’écriture. Ils sont gonflés à l’hélium et dérivent au gré du vent, celui des pressions du marché financier dont ils sont les premiers promoteurs par ailleurs.
(16) Leur pillage est l’ignominie de leur appropriation de l’avoir des autres, dont tout le personnel de l’organisation fait les frais par la force des choses. Et leur performance n’est autre que leur prétention démesurée à servir les intérêts des autres, actionnaires, clients, communauté et personnel. ? Les gens bien portants (les soi-disant hérauts de l’organisation) sont des malades (prétentieux) qui s'ignorent ! ?, disait le Dr. Knock de Jules Romain.
N’hésitez pas à partager cet article.
Notes biographiques sur l’auteur à :
https://performinfo.com/Accueil#&panel1-1
https://www.videobrio.com/