QU'APPORTENT LES RECHERCHES DE RENé THOM à LA COMPRéHENSION DES SYSTèMES COMPLEXES ?
Isabel Marcos ???? ???? ???? ????
Senior Research Fellow | Professor | Artist | Consultant | Ph.D. Doctor specialized in Semiotics applied to Regenerative Design, Architecture, and Sustainable Urbanism
Dans cet article, j'analyse ? Spectre bord d'un centre obscur ? de René Thom pour examiner comment l'interdisciplinarité de sa sémiotique fournit des outils essentiels à l'élaboration d'une vision holistique nécessaire pour l'analyse scientifique des phénomènes écologiques, tels que le changement climatique global, l'effondrement des espèces et la perte de biodiversité, parmi d'autres problématiques. La théorie de Thom peut servir de bo?te à outils facilitant la coopération entre différents domaines académiques pour développer des solutions et prendre des décisions éclairées. Voici quelques points de synthèse de l’article de Thom qui peuvent m’aider à défendre mon propos qu'apportent les recherches de René Thom à la compréhension des systèmes complexes ?
Genèse de la Théorie des Catastrophes
René Thom explore la naissance de la Théorie des Catastrophes (T.C.) dans les années 1967-70, période durant laquelle il s'éloigne des mathématiques pures pour embrasser une interdisciplinarité. Thom trace l'origine de la T.C. à ses travaux sur les singularités des applications différentiables, influencés par H. Whitney, où il a développé la notion de singularité stable ou générique. Cependant, il admet n'avoir eu qu'une compréhension intuitive de la notion de déploiement d'une singularité, un concept clé dans sa théorie qui est devenu plus clair avec le théorème de Milnor. Ce dernier a formalisé le déploiement pour un point singulier isolé d'une fonction analytique, une avancée qui a permis de comprendre la nature analytique des singularités isolées. Thom décrit également le développement de la théorie des stratifications, qui traite des espaces stratifiés – des polyèdres à "faces courbes", chaque face représentant une strate. Cette théorie a des applications en biologie théorique, aidant à définir l'organisation biologique et l'homologie entre organes de différentes espèces. Il explique en détail la déformation des ensembles analytiques, un concept central dans la T.C. qui décrit comment un ensemble analytique peut être transformé tout en restant équivalent sous certaines conditions de régularité. L'importance de la condition de platitude est soulignée, car elle élimine des accidents locaux excessivement violents dans le modèle analytique. En conclusion, Thom relie la T.C. à l'axiome galiléen selon lequel "le livre du monde est écrit en termes mathématiques". Il suggère que l'expression des lois physiques pourrait se réduire à l'étude du prolongement analytique, avec des implications profondes pour la représentation mathématique des phénomènes physiques. La T.C. a émergé comme un cadre théorique pour comprendre comment de nouveaux équilibres peuvent se développer à partir des singularités et des instabilités, offrant un modèle pour étudier les "ratés" du prolongement analytique et les phénomènes de cassure.
Approche Physique de la Théorie des Catastrophes
René Thom distingue clairement entre les domaines de la mathématique et de la physique, notant que la physique se concentre sur des lois qui impliquent le mouvement d'entités dans l'espace euclidien ou dans des espaces dérivés. Il souligne que chaque type d'entité a une loi de propagation qui la définit. Dans le contexte de la (T.C.), il a été amené à examiner les singularités des champs vectoriels de la dynamique, ce qui rappelle les observations de l'hydrodynamicien Joseph Boussinesq sur les brisures du déterminisme en dynamique classique liées aux points singuliers du champ des vitesses. Thom explore la notion de "catastrophe" au-delà d'une simple résurgence du courant anti déterministe. Il explique que l'idée de catastrophe est un concept plus général, illustré notamment par la notion classique de choc en dynamique. Un exemple clé est le modèle où un point matériel se déplace le long d'un axe, et où des situations de surplomb dans le graphe d'une fonction peuvent conduire à des multi-déterminations, créant des chocs verticaux à des points spécifiques. Cette catastrophe résulte d'une incompatibilité entre les hypothèses générales de régularité des lois d'évolution et la multivocité des états locaux engendrés par la loi hamiltonienne de l'évolution temporelle. Il discute également de la manière dont la physique moderne a embrassé ces idées, choisissant de renoncer au concept de "continu matériel" en faveur de la loi hamiltonienne. Il s'interroge aussi sur les implications de la mécanique quantique, où la nécessité de donner au temps une structure complexe pourrait s'expliquer par des exigences de maintenir la continuité à travers des singularités. Enfin, Thom aborde la théorie des chocs en lien avec la théorie des catastrophes, en introduisant des concepts comme la "convention de Maxwell" pour expliquer comment les discontinuités peuvent na?tre dans un milieu homogène par des mécanismes spécifiques. Il reconna?t avoir peut-être limité la portée de la T.C. en refusant toute validité quantitative après les controverses suscitées, mais admet que des analyses plus fines sur les relations entre déploiement et front d'onde auraient pu être envisagées. Il conclut sur une note introspective, suggérant que certaines dynamiques mériteraient une étude plus approfondie, soulignant une fois de plus la profondeur et la complexité de la T.C. dans l'approche physique.
Analogie
Dans sa réflexion sur la théorie des catastrophes, Thom a d? naviguer entre les aspects quantitatifs et qualitatifs de la théorie, particulièrement durant les controverses des années 1974-75. Thom était convaincu que la théorie différentiable constituait le cadre naturel pour la théorie des catastrophes, renforcée par la démonstration de Malgrange du théorème de préparation dans le cadre différentiel, un élément fondamental de la théorie analytique. Cependant, il reconna?t l'inefficacité pragmatique de la théorie, qu'il ne pouvait défendre qu'en arguant qu'il est plus judicieux de comprendre un phénomène sur lequel on ne peut agir, plut?t que d'agir sur un phénomène qu'on ne comprend pas. Pour étayer son argument, Thom invoque l'utilisation de l'analogie, souvent réduite dans le positivisme à un vestige de pensée magique ou simplement traitée comme une figure de rhétorique dans les temps modernes. Cependant, il voit dans la théorie qualitative des catastrophes une opportunité d'illustrer l'analogie par un isomorphisme dynamique, ce qui représente un changement de cadre mais peut se révéler utile pour apporter une dimension géométrique ou topologique à la compréhension des phénomènes. Il critique les spécialistes des sciences humaines qui considèrent que l'illustration géométrique des concepts peut être réductrice. à cela, Thom répond que ces modélisations géométriques pourraient être envisagées dans le sens inverse, pour donner une interprétation des dynamiques sous-jacentes influencées par des contraintes spécifiques. Il donne l'exemple de son interprétation du carré sémiotique de Greimas comme une dynamique de ??boucle de rétroaction??. De même, les éléments d'une approche dynamique de la narratologie pourraient être interprétés de manière intrinsèquement combinatoire. Il discute également de ses efforts pour appliquer ces concepts en biologie théorique, notamment pour illustrer les ??catastrophes?? en embryologie, bien que ces idées n'aient pas trouvé d'écho significatif parmi les biologistes, qui privilégient généralement les preuves expérimentales. Il mentionne que cette exploration a été poursuivie dans les années 1988-90, enrichie par sa redécouverte d'Aristote, ce qui a introduit un nouveau point de vue dans ses recherches.
Actualité d’Aristote
Thom partage sa redécouverte de l'?uvre d'Aristote, qu'il a entreprise après avoir été exposé à diverses influences académiques et personnelles. Son intérêt pour l'Embryologie et les discussions avec le biologiste Philippe L’Héritier dans les années 1965-66 à l'I.H.é.S. ont planté les premières graines de sa curiosité pour les concepts aristotéliciens. Il décrit comment la théorie des catastrophes l'a conduit à reconsidérer la notion de schème hylémorphique d'Aristote, envisageant la forme imposée sur la matière comme une dynamique de singularité. Thom s'est tourné vers la Linguistique, puis vers des concepts plus larges d'Aristote après avoir assisté à des conférences à l'E.N.S. rue d'Ulm. La lecture des textes originaux d'Aristote, notamment sa ??Physique??, s'est avérée être une révélation pour lui, particulièrement les livres qui discutent de la topologie et des notions de mouvement naturel versus accidentel, des idées qui se chevauchent avec sa propre utilisation de la généricité en Topologie Différentielle. L'analyse aristotélicienne des concepts de bord et de domaine, et la distinction entre être en acte et en puissance, ont particulièrement résonné avec Thom, éclairant sa compréhension de la continuité et l'ouverture-fermeture en termes topologiques. Ces explorations ont enrichi son approche des modèles physiques et biologiques, les aidant à formaliser des concepts biologiques via des analogies mathématiques, comme l'équisingularité en biologie correspondant à la notion d'homéomère. Son exploration d'Aristote l'a amené à réfléchir sur la nature de la généricité et la fa?on dont les concepts anciens peuvent encore éclairer les problèmes modernes, réaffirmant la pertinence continue de la pensée aristotélicienne dans les discussions contemporaines sur l'interdisciplinarité et la méthodologie scientifique.
Vers une modélisation des transitions écologiques avec la (T.C.)
La théorie des catastrophes de René Thom dépasse largement le cadre des mathématiques pures pour se présenter comme un outil interdisciplinaire fondamentale, permettant d'analyser et de modéliser les transitions soudaines dans des systèmes variés. Bien que non spécifiquement écologique dans ses applications, cette théorie s'avère extrêmement pertinente pour comprendre des phénomènes complexes tels que les points de basculement climatiques ou les effondrements d'écosystèmes, qui peuvent para?tre chaotiques ou imprévisibles sans une compréhension profonde de leurs dynamiques sous-jacentes. Il a exploré des concepts mathématiques pour modéliser ces dynamiques, créant ainsi des outils permettant aux scientifiques de prédire et de mieux gérer les risques associés à ces transitions critiques. En intégrant des connaissances issues de la physique et de la biologie, il a favorisé un dialogue entre ces disciplines, améliorant significativement notre capacité à appréhender et à influer sur les systèmes naturels. Ce dialogue interdisciplinaire est essentiel car il engendre des modèles réalistes, prenant en compte la complexité des systèmes écologiques. Les outils développés par Thom, tels que la théorie des bifurcations et des singularités, sont essentiels pour déchiffrer des comportements complexes et anticiper les conditions qui mènent à des changements écologiques significatifs. Ces outils offrent aux décideurs des modèles prédictifs utiles pour guider les politiques environnementales. Par exemple, une meilleure compréhension de l'impact des activités humaines ou des changements climatiques sur les écosystèmes peut mener à des actions préventives ou atténuer les effets néfastes de ces perturbations. Ainsi, bien que la théorie des catastrophes de Thom n'ait pas été initialement con?ue pour l'écologie, elle est un instrument scientifique avancé et essentiel pour le développement de stratégies de gestion durable. Cet article est le début d’une illustration comment l'application interdisciplinaire de la théorie des catastrophes peut révolutionner notre approche face aux défis environnementaux actuels, dépassant les cadres académiques traditionnels pour devenir un élément central de notre stratégie face aux urgences écologiques du XXIe siècle. En fournissant un cadre pour la modélisation et la gestion des transitions écologiques, Thom enrichit grandement notre capacité à prendre des décisions éclairées face aux complexités écologiques contemporaines.
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Bibliographie
Aristote. (1931).?Physique?(H. Carteron, Trad.). Paris: Belles Lettres.
Collectif. (1990).?Biologie, Logique et Métaphysique chez Aristote. D. Devereux & P. Pellegrin (éds.). Paris: éditions du CNRS.
Gonseth, F. (1975). Le référentiel : univers obligé des médiatisations.?Dialectica, l’?ge d’homme. Lausanne.
Thom, R. (1994c). "Spectre bord d'un centre obscur". In M. Porte (Coord.),?Passion des Formes. Dynamique qualitative, Sémiophysique et Intelligibilité. à René Thom?(pp. 13-23). Paris: ENS FSC éditions.
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EXPLORATEUR & ENTREPRENEUR DE L'HUMAIN Accompagner l'humain dans ses capacités évolutives, favoriser une intelligence collective augmentée par l'IA, promouvoir l'innovation RH. #humanism #prospective #sustainablefuture
3 天前Singularités et morphogenèse, un article passionnant ??