L'Intelligence Artificielle ne peut plus rester dans l’angle mort stratégique des entreprises
Eric Hazan
Global co-leader Strategy SL - Sr. Partner/Director - McKinsey Global Institute
Si les premières recherches sur l'Intelligence Artificielle (IA) remontent à plus d'un demi-siècle, nous commen?ons seulement à en percevoir les bénéfices concrets dans notre vie quotidienne, de citoyens, de travailleurs, de consommateurs. Quant aux entreprises, bien qu’elles n’aient pour l’heure effectué que des pas timides vers les applications commerciales de ces technologies, celles qui se montrent pionnières dans l’exploitation du pouvoir de l'IA en tirent des améliorations substantielles à la fois de leur performance et de leur compétitivité. Mais pour les acteurs économiques, saisir pleinement cette opportunité constitue un défi.
Devant la variété des définitions de l’IA et la confusion qui demeure entre conception traditionnelle de la ? digitalisation ? et usage des advanced analytics, il est fondamental de s’accorder sur une notion fondamentale : l’intelligence artificielle est liée à l’apprentissage des machines, et plus exactement à leur capacité à simuler l’intelligence humaine. Au travers de l’IA, la machine peut non seulement imiter nos démarches cognitives, mais aussi apprendre de ses erreurs, dans une dynamique d’amélioration constante de ses capacités. Le regain d’intérêt lié à l’intelligence artificielle est étroitement lié aux progrès technologiques spectaculaires récemment accomplis, conjugués à la possibilité de collecter et traiter un gisement considérable de données : les milliards de giga-octets d’informations que les appareils connectés génèrent chaque jour dans le monde.
Un essor de l’investissement – essentiellement interne – dont les retours peuvent être rapides et massifs
Si, dans les années 1970 et 80, la recherche en Intelligence Artificielle a chuté en raison d'une pénurie de financements, les percées technologiques récentes suscitent une nouvelle poussée d'investissements autour de cette technologie. En seulement trois ans, les investissements liés à l’IA ont été multipliés par trois, atteignant entre 26 et 39 milliards de dollars en 2016 d’après un rapport qui vient d’être publié par le McKinsey Global Institute. Pas moins de 18 à 27 milliards de dollars ont été consacrés à la R&D et au déploiement de l’IA par les entreprises, principalement chez les géants du numérique. Au-delà de ces investissements internes, 8 à 12 milliards de dollars ont été investis en venture capital, private equity et fusions-acquisitions.
Dans ce même rapport, le McKinsey Global Institute a interrogé 3 000 dirigeants d’entreprises dans 10 pays et 14 secteurs et a constaté que 20 % d’entre eux ont déjà trouvé des usages concrets de l’intelligence artificielle. Ces ? adopteurs ?, qui combinent une forte digitalisation avec des stratégies proactives sur l’IA enregistrent des marges en moyenne 3 à 15 % plus élevées que leurs concurrents du même secteur, et s'attendent à ce que cet écart de performance s'élargisse au cours des trois prochaines années. Au-delà de cette minorité de précurseurs, 40 % des entreprises peuvent être considérés comme des ? expérimentateurs ? ayant engagé plusieurs tests avancés sur une ou plusieurs technologies d’IA. Enfin 40 % des entreprises, si elles ne méconnaissent pas le potentiel de l’IA, n’ont pas encore engagé de démarches d’adoption. Nous avons à ce titre qualifié ces acteurs de ? contemplateurs ? du phénomène IA.
Des défis à relever pour tirer pleinement les bénéfices de l’intelligence artificielle
Malgré le potentiel majeur que représente l’IA, 41 % des dirigeants que nous avons interrogés soulignent leurs incertitudes quant aux perspectives de retour sur investissement. Sur le plan technique, 28 % d’entre eux disent ne pas disposer des capacités suffisantes pour mettre en place ces technologies. Mais surtout, ceux qui pensent que leur organisation ne possède pas les compétences humaines adéquates sont encore plus nombreux. Déployer les technologies d’Intelligence Artificielle implique, non seulement, d’identifier les segments de son activité où l’IA peut réellement créer de la valeur, d’en déduire un authentique business case, mais aussi de développer un écosystème de données, condition nécessaire à toute avancée. L’accès aux talents représente sans conteste l’obstacle majeur : même en l’état actuel du développement de l’IA, qui demeure limité, il existe déjà une pénurie mondiale de profils disposant des compétences nécessaires à l’exploitation de ces technologies.
En outre, plus les entreprises ayant ? franchi le cap ? de l’IA se développeront et acquerront de la donnée, plus il sera ardu pour les moins avancées de combler un écart grandissant. Autrement dit, pour elles, la nouvelle frontière du numérique que constitue l’IA deviendra mouvante. Ces dernières doivent prendre conscience qu’il sera difficile (pour ne pas dire exclu) de généraliser les technologies porteuses d’IA sans qu’elles aient atteint un seuil critique dans la transformation digitale de l’ensemble de leurs activités : déployer efficacement l’IA nécessite de disposer de tous les actifs digitaux stratégiques comme des compétences clés permettant de transformer les solutions technologiques en sources de création de valeur.
L’Europe, en retrait, doit prendre garde à ne pas subir un retard irrattrapable
Enfin, si le potentiel de l'IA est immense, il risque de se répartir inégalement d’un point de vue géographique. Les entreprises basées aux états-Unis ont absorbé 66 % de tous les investissements externes dans les entreprises d'IA en 2016. La Chine se place en seconde position avec 17 % des investissements et son poids relatif pourrait cro?tre rapidement. Ces deux pays s’appuient sur des ? écosystèmes ? d’entrepreneurs, de financiers et d’utilisateurs d'IA, et ont intégré de manière significative l’IA dans leurs plans stratégiques nationaux ces 18 derniers mois, avec dans certains cas d’ambitieuses initiatives publiques de financement. Le Royaume-Uni et la Corée du Sud ont eux aussi mis le pied à l’étrier. à l’inverse, l’Europe hors Royaume-Uni accuse un retard conséquent, puisqu’elle investit trois fois moins que la Chine et cinq fois moins que les Etats-Unis dans ces technologies. Il est urgent qu’elle le rattrape, pour éviter de se trouver rapidement distancée par les autres grandes zones, comme c’est le cas pour sa transformation numérique. Alors que les états-Unis concrétisent environ 18 % de leur potentiel numérique, selon un autre rapport du MGI publié l’année dernière, l'UE dans son ensemble n'en réalise que 12 %. La France est également à 12 %, tandis que l'Allemagne et l'Italie ne dépassent pas 10 %. Les acteurs économiques européens doivent acquérir une meilleure compréhension des technologies de l’IA, former ou attirer les talents qui sauront les exploiter et les muer en opportunités économiques, et enfin se lancer dans l’expérimentation. Dès maintenant.
Eric Hazan Jacques Bughin
Fondateur et coach chez Mesnil
6 年en fait l'IA est une disruption en 2017-2018, mais des disruptions au travail, nous en avons toujours eu. Quand je suis sorti de l'université, mais déjà avant lors de mon stage de recherche à l'INRA en 1984, j'ai pu voir la première chaine d'analyse en flux continu, et j'ai compris que beaucoup de Laboratoires et d'emplois seraient détruits, cela n'a pas manqué...je faisais mes calculs avec une Casio, il n'y avait pas de PC à cette époque, pas d'Excel....j'ai passé des mois à faire des statistiques à la main, et aujourd'hui cela prendrait peut-être 3 jours :-), un autre exemple, à cette époque un grand cabinet d'architecte de Caen, a mis en place le traitement de texte ! et le premier logiciel de dessin...sur les 35 personnes du cabinet, 8 ont sauvé leur tête... ensuite nous avons eu l'Internet qui a changé tout et le téléphone mobile pour tout le monde...aujourd'hui c'est l'IA...ceux qui ne seront pas IA compatibles vont devoir se mettre au potager..intensif :-) et puis après il y aura autre chose, etc...
Data Science, Machine Learning, Artificial Intelligence, LLMs: Management Consulting, Project Delivery and Corporate Education.
7 年Quand je dis tu ML, c'est du supervised learning specifiquement
Data Science, Machine Learning, Artificial Intelligence, LLMs: Management Consulting, Project Delivery and Corporate Education.
7 年Excellent article -- il faudrait aussi souligner que selon Andrew Ng, 90% des applications d'IA ne sont que de la glorification du Machine Learning (peut-être en échelle big data), alors soyons conscients du "hype" qui s'instaure
Sustainable finance research at BloombergNEF
7 年Un article vraiment intéressant qui souligne encore une fois le déni stratégique induit par le risque lié à l'investissement dans l'innovation. Merci pour les chiffres !!
Commis comptable Ottawa, Ontario
7 年zenabo Ouedraogo . Tout système de développement présente des avantages mais aussi des inconvénients la solution ce n'est d'apporter une critique positive ou négative sur l'IA mais d'exploiter son aspect positif.