LA SéMIOTIQUE PEUT-ELLE NOUS AIDER à RéSOUDRE LA CRISE éCOLOGIQUE ?
? Photo by USGS on Unsplash

LA SéMIOTIQUE PEUT-ELLE NOUS AIDER à RéSOUDRE LA CRISE éCOLOGIQUE ?

La vision holistique que Brandt propose, reliant l'écologie à la structure sociale, au langage et aux signes à travers les processus d'extraction et de déjection, offre une nouvelle perspective pour réévaluer et transformer notre interaction avec l'environnement. L'art, en tant que médiateur dans cette dynamique, devient un outil essentiel pour la sensibilisation et l'action, suggérant que les ?uvres d'art peuvent agir comme des catalyseurs pour la réflexion et le changement social. En valorisant l'art comme une forme de résistance culturelle, il promeut une approche où la créativité est non seulement une expression de beauté ou d'émotion, mais aussi un engagement actif envers la durabilité et la régénération écologique. Cela renforce le r?le de l'artiste en tant qu'acteur vitaldans le mouvement écologique, utilisant les signes et les symboles pour remettre en question les normes établies et pour promouvoir des mythes refondateurs de notre présence sur terre.

étude des notions de fini et d'infini dans notre rapport à l’environnement

L’auteur établit les bases théoriques de la fonction sémiotique, en soulignant que tout sémioticien reconna?t la différence entre le signifié et le référent, soit entre le sens intrinsèque et la signification spécifique que ce sens incite à actualiser. Il précise que la fonction sémiotique englobe, sous un même signifiant, deux contenus : l'un purement imaginaire, iconique et mentalement visuel, et l'autre symbolique, relevant d'un impératif basé sur une croyance (Brandt, 2018, p. 273). Cela met en lumière une écologie sémiotique où le sens immatériel est profondément ancré dans la matérialité signifiante. L'écologie est présentée comme un cadre essentiel pour comprendre les limites physiques à l'expansion infinie des activités humaines, notamment dans les domaines de la communication et de l'économie. Brandt développe l'idée d'une écologie humaine constituée d'un cycle continu d'extraction, de consommation, et de restitution, où l'homme et la nature interagissent. Il établit un parallèle entre les cycles biologiques et les cycles socio-économiques, montrant comment chaque étape du cycle de vie est influencée par et influence en retour les structures sociales et sémiotiques.

L'extraction des ressources, la consommation de biens et la restitution à l'environnement ne sont pas uniquement des processus biologiques ou physiques, mais sont également profondément ancrés dans des systèmes de signification. Il souligne une considération critique : Nous vivons dans un monde matériel formé comme un territoire sphérique, le globe de notre planète ; si l'espace de notre pensée, de nos cultures et de notre civilisation globale, soutenue par nos systèmes sémiotiques, notamment l'argent et le langage, semble infini en extension, l'espace de notre vie matérielle, lui, est soumis aux contraintes de sa finitude. La nature ne peut pas répondre indéfiniment à nos aspirations infinies et à nos rêves de croissance productive par un rendement infiniou une réponse constante et inébranlable, permettant un traitement arbitraire Ignorer cette asymétrie entre l'infini de l'économie des signes et la finitude des choses écologiques pourrait nous conduire à des conséquences désastreuses (Brandt, 2018, p. 274).

L'origine du sémiotique

Cette section explore la manière dont les structures sociales se manifestent en tant que strates sémiotiques, en analysant la transition de la subsistance simple vers des formes de socialité plus complexes, telles que l'urbanisation et la sacralisation. Ces évolutions superposent des couches de signification qui enrichissent la fonction sémiotique, structurant ainsi le langage et les représentations culturelles. Chaque strate — les vivres, les biens construits, et les objets de culte — correspond à des niveaux de réalité sémiotique distincts (existentiel, imaginaire, symbolique), influen?ant les perceptions et les comportements des individus. Examinons les trois strates de la vie sociale et environnementale à travers l'exemple d'un quartier régénératif, illustré par les textes originaux de Marcos (2024).

Strate I: Les Vivres (Niveau Existentiel)

Cette première strate est liée aux besoins fondamentaux et à la subsistance. Elle comprend tout ce qui est nécessaire à la survie physique immédiate, comme la nourriture et l'eau. Dans une société, cette strate correspond à la base de la structure économique et sociale, où la production et la consommation des ressources naturelles directes sont centrales. Elle forme un réel existentiel et narratif, où la vie et la mort corporelles sont les principaux enjeux. Dans les quartiers régénératifs, cette strate est abordée par des systèmes de production alimentaire durable et des stratégies de gestion des ressources naturelles, tels que l'agriculture verticale et la collecte des eaux de pluie. à ce niveau, les pratiques et infrastructures soutiennent les besoins vitaux de manière durable, minimisant l'empreinte écologique tout en assurant la viabilité du cycle de vie.

?Strate II: Les Biens Construits (Niveau Imaginaire Narratif et Argumentatif)

La deuxième strate concerne les biens construits, incluant les infrastructures et les habitations. C'est le niveau de l'urbanisation, où les matériaux comme le bois, la pierre, et les métaux sont utilisés pour construire et maintenir des structures sociales complexes. Cette strate est associée à la société institutionnelle et légale qui régule la vie collective à travers des lois, des normes, et des politiques. Elle englobe un réel imaginaire narratif et argumentatif, riche en projets, en politiques, et en histoires. Dans les quartiers régénératifs, elle se manifeste par l'intégration de technologies durables et l'utilisation de matériaux recyclés pour construire des habitations à énergie positive et gérer les déchets de manière circulaire. Ces pratiques contribuent à de nouveaux récits qui relient les humains à leur environnement, enrichissant le tissu urbain par le soutien à l'interaction et à la vie communautaire, incluant la mobilité douce, les espaces communautaires, la gouvernance partagée, et le partage des ressources, favorisant ainsi l'autonomie économique et la diffusion des connaissances.

Strate III: Les Objets de Culte?(Niveau Symbolique)

La troisième et dernière strate est celle des objets de culte, qui inclut les éléments symboliques comme l'argent, les objets religieux, et d'autres formes de représentation du pouvoir et de la souveraineté. Ce niveau transcende les lois et les normes ordinaires par la sacralité de ses manifestations. Il représente la souveraineté en tant que pouvoir en dernière instance, utilisant des symboles pour exercer et justifier l'autorité. Cette strate abrite un réel symbolique où résident les vérités absolues et les valeurs supérieures, s'installant mentalement chez les individus comme une ??seconde nature??, comme le disait le philosophe Hegel (Kervegan, 2014). Dans les quartiers régénératifs, les connections entre l'intérieur avec l'extérieur crée un espace symbolique qui reflète une nouvelle relation avec la nature, transcendant les besoins matériels pour embrasser des valeurs de respect et de préservation de l'environnement. Cette coexistence entre nature et culture enrichit chaque élément architectural, contribuant à une narration qui valorise la régénération et la durabilité, et instaurant une profondeur culturelle et écologique à ce mode de vie.

L'interaction entre ces strates se manifeste à travers l'échange économique et sémiotique, où l'argent joue un r?le pivot. L'invention de l'argent, associée à cette troisième strate, illustre la transformation de matériaux physiques en symboles de valeur transcendante, utilisés à travers toutes les strates de la société. Sous le capitalisme, ces interactions deviennent encore plus intégrées et complexes, avec des conséquences importantes pour l'écologie et l'économie globale, menant souvent à des crises lorsque les limites écologiques sont ignorées ou dépassées. Ces strates sémiotiques reflètent une structure sociale profondément ancrée qui influence non seulement l'économie mais aussi la psychologie individuelle et collective, dictant les interactions entre les individus et le système social dans son ensemble.

Avatars écologiques

Une crise sociale est un état où au moins l'une des strates ne fonctionne plus. Si la boucle organique s'arrête, c'est la famine. Ou l'épidémie. Si la vie institutionnelle se bloque, par corruption, destruction des systèmes de juridiction ou de représentation politique, terrorisme, révoltes, guerre civile, etc., ou parce que la production stagne et s'affaiblit, la crise peut dissoudre la cohérence imaginaire et la société entière. La crise du symbolique, en revanche, est surtout déclenchée par les guerres inter-sociétales, inter-religieuses, ou inter-culturelles (coloniales, une société s'appropriant une autre société dont la culture technique ne permet pas d'éviter ce sort et qui perd sa souveraineté), ou bien par la "faillite" de ses finances spéculatives, amenant une perte de souveraineté. Les crises modernes sont de tous ces types. Les crises du capitalisme créées par la spéculation financière sont symboliques et concernent toujours la souveraineté, touchant la couche méta-politique détenant le pouvoir monétaire devenu absolu. Le capital spéculatif, dans les mains de cette couche, cesse de nourrir la production et s'investit infiniment à son propre niveau, dans la mesure où l'extraction d'énergie, de force de travail, de matériaux, se trouve inhibée, peut-être bloquée pour toujours cette fois, par l'épuisement des ressources et les menaces constantes de catastrophes naturelles en grande partie d?es aux modes de vie et d'exploitation humaine. Dans cette situation, la crise de la souveraineté (III) devient plus ou moins directement une crise institutionnelle (II) et organique (I) : auto-suffisance folle des gouvernants, confusion collective et misère croissante. Les strates symboliques et organiques tendent à se rejoindre sans l'intervention de la strate intermédiaire ; les puissants en délire et les masses en difficulté s'allient, pour le pire.

Pour conclure?

Brandt considère les crises écologiques et sociales comme des sympt?mes de dysfonctionnements au sein de ces strates interactives. Il souligne le r?le de l'art comme pratique esthétique capable de remettre en question et de redéfinir les signes sociaux consommés et altérés par les crises. L'art, par son caractère fini et structuré, offre un contrepoint à l'infinité des sémiotiques de croissance, proposant une réflexion sur les limites écologiques et sur la possibilité d'un renouveau éthique fondé sur la reconnaissance de ces limites. Il propose que l'art peut transcender les pratiques sémiotiques traditionnelles en créant des ?uvres qui reflètent directement les tensions entre les aspirations infinies de croissance humaine et les limites finies de la planète. Suggérant que l'art, en exploitant sa capacité à engager de manière critique et esthétique avec ces tensions, peut aider à sensibiliser et à catalyser un changement éthique dans la perception et l'interaction des sociétés avec leur environnement. L'art, par sa nature expressive et souvent provocatrice, est capable de représenter symboliquement les contradictions entre l'économie des signes et l'écologie des choses, mettant en lumière les conséquences de nos actions et de nos systèmes économiques sur l'environnement. En illustrant visuellement ou conceptuellement les impacts écologiques et en engageant le public sur ces sujets, l'art peut encourager une réflexion sur les comportements écologiques et stimuler un dialogue essentiel sur la durabilité. Pour Brandt l'art est non seulement une forme de résistance culturelle mais aussi comme un outil potentiel pour rééquilibrer notre relation avec la nature, en proposant des perspectives qui peuvent inspirer des actions responsables et durables pour faire face à la crise écologique mondiale.

Bibliographie

Baudrillard, J. (1972).?Pour une critique de l'économie politique du signe. Paris: Gallimard.

Brandt, P. A. (2018). ??écologie et sémiotique??. A. Biglari (Dir.),?La sémiotique en interface?(pp. 273-286). Paris: Kimé, collection Sémiotique.

Hoffmeyer, J. (1996).?Signs of Meaning in the Universe. Indiana University Press.

Kervegan, J.-F. (2014).?Nature, seconde nature, société : le concept hégélien de Sittlichkeit. Récupéré de Academia.edu.

Kull, K. (1998). Semiotic ecology: Different natures in the semiosphere.?Sign Systems Studies, 26, 344–371.

Lawson, T. (2016). Social Positioning and the Nature of Money.?Cambridge Journal of Economics, 40, 961–996.

Marcos, I. (2024). ??Deciphering the Spaces of Ecology??. Paper presented at the 16th World Congress, Warsaw.

Martin, L.-é. (2016). écrire, Lire, Traduire. Blog. ISSN 2551-7309.

Sebeok, T. A. (1990).?Essays in Zoosemiotics. Toronto: Toronto Semiotic Circle.

?Inscrivez-vous à notre newsletter : https://significant.design/association-newsletter-fr ???

#écologieSémiotique#PerAageBrandt#SémiotiqueEnvironnementale#éthiqueécologique#Criseécologique#ArtEtécologie#CroissanceInfinie#SustainabilityScience#SignesEtSymboles#InteractionsHumaines

Isabel Marcos ???? ???? ???? ????

Senior Research Fellow | Professor | Artist | Consultant | Ph.D. Doctor specialized in Semiotics applied to Regenerative Design, Architecture, and Sustainable Urbanism

1 周
回复
Samaneh Eshraghi ivari

Phd.Candidate at Neareast University, Peircean Semiotic : Cultural Symbols, Cultural Heritage, Cultural Sustainability.

1 周

Semiotic could make a bridge between philosophical theories and practical concepts

要查看或添加评论,请登录

Isabel Marcos ???? ???? ???? ????的更多文章