LA DOMINATION DE LA CHINE DANS LES TECHNOLOGIES VERTES MET EN PéRIL LA TRANSITION éCOLOGIQUE. QUE PEUVENT LES INVESTISSEMENTS ? VERTS ? EN AFRIQUE ?

???L'Union européenne a menacé ce mercredi d’augmenter les droits de douane des véhicules électriques importés depuis la Chine, à hauteur de 38% pour certains groupes, auxquels s'ajoutent les 10% déjà existants. Une mesure qui irrite Pékin, qui la considère comme du ? protectionnisme ?. Elle estime par ailleurs qu’elle serait ? nuisible ? aux intérêts européens??. La tribune, 12 juin 2024

Le mouvement d’achat de voitures électriques rendu possible par les progrès rapides de la technologie, associés à des incitations gouvernementales et au développement des infrastructures, notamment les stations de recharge qui fleurissent désormais dans les villes du monde entier. Mais pas à Nairobi. Et, à quelques exceptions près, pratiquement nulle part en Afrique. Il y a de bonnes raisons à cela. L'électricité est chère et notoirement peu fiable dans la majeure partie du continent. Les distances sont grandes la superficie du Nigéria seul est presque trois fois celle de l'Allemagne et les infrastructures pour charger et entretenir les Véhicules Electriques n'existent pas encore. IFC, Banque Mondiale, Le démarrage en douceur des véhicules électriques en Afrique, 5 avril 2022.

??LA DOMINATION MONDIALE DE LA CHINE DANS LES TECHNOLOGIES VERTES ET DéFIS POSéS AUX NEGOCIATIONS MULTILATERALES

On le sait, la Chine est l’usine du monde. Ainsi, selon le site "geopoliticaleconomy.com" dans une publication de janvier 2024, en 2020, la Chine représentait 35 % de la production manufacturière brute mondiale. C'est plus que la production combinée des états-Unis (12 %), du Japon (6 %), de l'Allemagne (4 %), de l'Inde (3 %), de la Corée du Sud (3 %), de l'Italie (2 %) et de la France (2 %). %), et le Royaume-Uni.

?Ce que l’on sait moins, c’est qu’en m’espace d’un peu plus de quatre décennies, la Chine a sauté des étapes pour se positionner comme une grande puissance, sinon la seule puissance technologique capable de rivaliser avec les USA, dans des domaines clés comme la 5G, les véhicules électriques, le numérique, l'IA ou l'espace.

Et selon le journal l’Express dans un article publié le 31/01/2024, ??les exportations chinoises de véhicules (voitures, camions et bus) ont surpassé celles du Japon en 2023, selon les données de l’Association japonaise des constructeurs automobiles (Jama)??. Ces exportations sont composées d’au moins 25% des véhicules électriques.

??MONOPOLE SUR LES CHA?NES D’APPROVISIONNEMENT

La montée en puissance fulgurante des marques chinoises sur le marché des véhicules électriques s’explique par la domination de la Chine dans les cha?nes d’approvisionnement des technologies vertes. En effet, la Chine contr?le une part écrasante de la production mondiale de panneaux solaires (80%), de batteries pour véhicules électriques (70-85%) et de raffinerie de minéraux critiques comme le lithium et le cobalt, et en reste le premier fournisseur du reste du monde. Ainsi, de nombreux pays et entreprises sont devenus dépendants des technologies vertes chinoises.

?? TENSIONS GEOPOLITIQUES SUITE AUX REACTIONS CONTROVERSEES DES USA ET DE L’UNION EUROPEENE FACE A LA MONTéE EN PUISSANCE TECHNOLOGIQUE DE LA CHINE

??LA REACTION DES ETATS-UNIS D’AMERIQUE

Les états-Unis considèrent la montée en puissance technologique de la Chine comme une menace directe pour leur souveraineté et leur leadership. Ainsi, le président Trump a imposé de lourdes taxes sur les produits chinois. Et, le retrait de son pays de l’accord de Paris sur le climat pourrait s’expliquer en partie par cette rivalité sur les énergies vertes. Quant au président Biden, il a maintenu les taxes décidés par l’administration TRUMP et introduit de nouvelles restrictions commerciales, notamment sur les puces électroniques des semi-conducteurs avec la loi ??CHIPS and Science Act?, interdisant de nombreuses entreprises américaines de commercer avec la Chine, mais aussi et surtout de relocaliser la production de semi-conducteurs aux états-Unis. L’interdiction du réseau social TIK TOK en est la manifestation la plus médiatisée.

??LA REACTION DE L’UNION EUROPEENNE

Quant à l’Union Européenne, elle a envisagé de prendre la tête de l'action climatique et a fixé des objectifs ambitieux. Ainsi, le Green Deal européen ou Pacte vert européen vise la neutralité climatique de l'UE d'ici 2050 avec une réduction de 55% des émissions d'ici 2030. Dans ce cadre, elle s'est engagée à interdire la vente de voitures neuves à essence, diesel, hybrides et hybrides rechargeables d'ici 2035. Malgré ces objectifs extrêmement ambitieux en matière d’interdiction des véhicules thermiques et les besoins suscités pour des véhicules non thermiques, ni les constructeurs automobiles européens ni les gouvernements ne semblent préparer pour la réalisation effective de ces objectifs. Aussi, l’arrivé massive de véhicules électriques chinois sur le marché européen a-t-il soulevé un levier de bouclier de tous les acteurs du secteur. Ils mettent en avant une concurrence déloyale, une dépendance inacceptable vis-à-vis des technologies chinoises voir une vraie menace sur la survie du secteur de l’automobile en Europe. Ainsi, sont dénoncées des subventions massives et des barrières protectionnistes qui auraient permis aux entreprises chinoises d’inonder les marchés mondiaux de produits verts à bas prix, écrasant la concurrence. Mais aussi le fait que nombreux pays et entreprises sont devenus dépendants des technologies vertes chinoises, ce qui pose des risques en termes de sécurité d'approvisionnement, de propriété intellectuelle et de droits humains. Ainsi, des taxes sont imposées aux véhicules chinois sur un marché européen dont les besoins sont loin d’être couverts par les acteurs locaux.

??TENSIONS GEOPOLITIQUES ET RISQUE DE DéCOUPLAGE TECHNOLOGIQUE ENTRE LA CHINE ET LES PAYS OCCIDENTAUX

Les tensions géopolitiques actuelles sur les avancées technologiques pourraient entrainer le découplage technologique entre la Chine et les pays occidentaux. Ce qui pourrait à son tour mener à une fragmentation de l'économie mondiale en deux blocs distincts. Avec d’un c?té, la Chine qui voit la technologie comme un outil de puissance pour fa?onner l'environnement politique interne et la géopolitique à son avantage. Elle cherchera à créer des normes technologiques et des standards mondiaux pour gagner en influence. Et de l’autre les états-Unis qui cherchent à limiter les risques liés à leur dépendance envers la Chine pour des technologies critiques comme les semi-conducteurs, l'IA, la 5G, les véhicules électriques, etc. et garder sa suprématie dans ce secteur stratégique pour le monde entier. Le monde assistera alors à une perturbation des cha?nes d'approvisionnement. La sécurisation des cha?nes d'approvisionnement technologiques deviendra un enjeu majeur, avec des risques de pénuries et des hausses des co?ts. De plus, la compétition technologique exacerbée et la réduction des échanges pourraient freiner le rythme de l'innovation à l'échelle mondiale. La conséquence ultime serait que les tensions autour des technologies clés alimentent les rivalités géopolitiques et augmentent les risques de conflits entre grandes puissances.

??ACCELERER LES INVESTISSEMENTS ? VERTS ? EN AFRIQUE, DEVELOPPER LE MARCHE INTERIEUR POUR LES PRODUITS VERTS ET RELANCER LA TRANSITION ECOLOGIQUE

L'Afrique dispose de nombreuses réserves de minéraux stratégiques nécessaires aux technologies vertes, comme les terres rares, etc. capable d'assurer la stabilité dans les cha?nes d'approvisionnement. Et avec une population jeune en pleine croissance, le continent africain représente un marché intérieur potentiellement important pour les produits verts. En accélérant les investissements "verts" en Afrique, les pays occidentaux et la Chine pourraient trouver un terrain d'entente pour relancer la transition écologique mondiale, tout en limitant les risques de découplage technologique. Le développement de l'Afrique dans les technologies vertes pourrait ainsi devenir un enjeu de coopération plut?t que de confrontation entre les grandes puissances. Pour ce faire, la communauté internationale doit fournir des financements climat pour soutenir les investissements "verts" en Afrique. Ces financements peuvent être utilisés pour développer des infrastructures résilientes au climat, des énergies renouvelables et des programmes d'efficacité énergétique. Des mécanismes innovants comme les échanges dette-climat peuvent être mis en place. En contrepartie d'une réduction de dette, les pays s'engageraient à consacrer les économies réalisées à des investissements verts. Cela permettrait de débloquer des financements pour le climat tout en assainissant les finances publiques. La communauté internationale doit aider à développer les capacités de production locales en Afrique. Cela permettrait de réduire la dépendance à la Chine et de créer des p?les de production décentralisés. Des programmes de transfert de technologies et de formation peuvent être mis en place pour soutenir ce développement.