Ils ont peur de ne pas y arriver!

Ils ont peur de ne pas y arriver!

Peut-on continuer à enseigner, apprendre, vivre dans les lycées et collèges des “quartiers”? éduquer oui mais comment?

Les attaques contre l’école, ses enseignants et ses élèves renvoient l’image d’une “école assiégée de l’extérieur et menacée de repli sur soi.”

L’écrivain Guillaume Le Touze qui enseigne en classe Segpa aux jeunes de la 6e à la 3e présentant des difficultés scolaires importantes nous fait le portrait de ses élèves :?

“Ils ont peur de ne pas y arriver, alors ils préfèrent ne pas essayer, ils ont peur de ne pas être à la hauteur des attentes des adultes, alors ils décident de présenter une image très peu aimable d’eux-mêmes. Les élèves qu’on nous confie, dans leur grande majorité, ont développé une défiance vis-à-vis de l’institution scolaire et plus particulièrement des adultes qui la représentent. Ce sont des jeunes gens intelligents et révoltés et il faut éviter de fournir du carburant à la colère intérieure qui gronde en eux de fa?on presque ininterrompue.”

Mieux écouter tous les jeunes de quartier

Les stratégies proposées quelle qu’elles soient demandent à se poser la question du r?le et de la place des jeunes dans la mise en ?uvre des processus d’apprentissage devant conduire à améliorer leurs savoirs, renforcer leurs comportements citoyens.

Dans un contexte médiatisé d’hyper violence autour des collèges, ne doit-on pas “mieux écouter tous les jeunes de quartier”, comprendre les raisons de leur vulnérabilité, leurs difficultés à se projeter dans l’avenir, à s’exprimer et intervenir dans la vie de la cité?

La priorité qu’il faut donner à la participation des jeunes dans leur apprentissage exprime en miroir un autre besoin tout aussi déficitaire aujourd’hui : la participation des jeunes dans la vie de la cité.

Faire alliance

Un objectif est bien alors de “faire alliance” et reconna?tre les quartiers populaires comme des lieux de solidarité, de réussite, d’innovation et de création et pas seulement comme une source d’influence ?néfaste ? pour l’école. L’apprentissage participatif repose sur des partenariats rompant à nouveau avec le mythe de l’école assiégée.?

Rendre l’école plus ? perméable ? au territoire est un objectif éducatif essentiel, en particulier dans les quartiers prioritaires. S’appuyer sur la complémentarité? des associations pour développer des expériences formatrices et solidaires, mobiliser les compétences des élèves pour transformer leurs idées en projets… autant de stratégies éducatives qui permettent d’élargir le temps et l’espace d’apprentissage.

Les cités éducatives

Comme le rappelle le collectif Pop-Part, “les jeunes soulignent la place que tient l’école dans leur socialisation, à rebours des discours sur le supposé rejet scolaire des jeunes de quartiers populaires. Lorsque les jeunes dessinent leur quartier, les établissements scolaires sont des points de référence.”

Depuis 2019 l’état labellise des “cités éducatives” dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville pour fédérer et intensifier les initiatives de tous les acteurs éducatif. Cette initiative est d’ailleurs étrangement absente du débat budgétaire.

La participation effective des jeunes

Une des clés de cette ouverture tient à la participation effective des jeunes aux actions éducatives et projets culturels, sociaux, humanitaires qui seraient menés au sein des établissements et au dehors. L’objectif recherché en stimulant la participation des jeunes est de pouvoir produire des actions collectives en réponse à des problèmes identifiés par les jeunes. La philosophe Martha Nussbaum soutient que “dans les démocraties pluralistes modernes et dans le contexte d’un marché mondialisé puissant, il est important de développer chez les citoyens la capacité à argumenter”.

La pédagogie de projet permet de générer des apprentissages à travers la réalisation de projets collectifs (de classe ou d’établissement permettant de réaliser des productions concrètes socialisables et d’accéder à des savoirs nouveaux.

La mobilité sous toutes ses formes

Se déplacer, se rencontrer, partager… autant de mots clés qui invitent les jeunes à prendre la parole et proposer des actions qui interrogent leurs conditions de vie dans les quartiers populaires. La mobilité permet la rencontre à deux niveaux : la rencontre avec soi-même et la rencontre avec l’autre.

Nous pouvons faire ainsi de la mobilité des jeunes le pilier central d'une expérience qui parcourt toutes leurs sphères de socialisation : la famille, l’école et le quartier. En interrogeant alors les conditions de mobilité des jeunes des quartiers populaires, on en vient à élaborer des réflexions sur l’avenir de ces quartiers et des jeunes qui les habitent.

La planification participative

Le projet de planification participative Y-Plan déployé par le UC Berkeley’s Center for Cities + Schools (CC+S) nous semble particulièrement exemplaire. Il vise à engager les élèves des lycées (K12) et leurs enseignants (préalablement formés) dans un projet d’aménagement urbain avec trois éléments directement transposables aux situations éducatives rencontrées dans les QPV: l’importance du tutorat, la formation des enseignants et l’implication des décideurs locaux en tant que “clients” porteurs d’une demande précise et attendant des réponses innovantes de la part des jeunes participant au projet.

Prendre la parole des jeunes au sérieux

Prendre la parole des jeunes au sérieux est bien plus qu’une posture et constitue l’élément clé d’une démarche participative.

?Comme le rappelle le sociologue Eric Le Breton,?“la mobilité est un élément central de la vie quotidienne qui structure les rapports au quartier et à la ville.? Elle est devenue “le droit des droits” et par défaut “l’élément qui ?verrouille ? les difficultés dans des états de non-retour potentiel.”

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